À l’heure où l’on retrouve de plus en plus d’huiles essentielles dans la pharmacie familiale, il est judicieux de se demander comment reconnaître une huile essentielle de qualité devant la pléthore de produits offerts par des laboratoires toujours plus nombreux.
Selon Pierre Franchomme, « seuls seront d’authentiques produits de la nature les huiles
essentielles pouvant se prévaloir d’une triple garantie : sur la plante, sur l’extraction et sur le
produit final. L’honnêteté du Maître distillateur doit être complétée par une compétence
scientifique et technique (1). »
Aussi, sans rentrer dans les subtilités scientifiques trop pointues qui n’auront pour d’autres
effets que de perdre notre lecteur, certains codes doivent tout de même être connus du grand
public pour disposer de produits obtenus dans les règles de l’art et éviter toute conséquence
désastreuse d’une utilisation inappropriée.
Ne l’oublions jamais… si utilisées à bon escient, les huiles essentielles favorisent une profonde revitalisation de l’organisme, a contrario, l’absence de connaissances botaniques précises peuvent conduire à des situations dramatiques, car beaucoup d’entre elles peuvent être toxiques.
Alors, sur quoi être attentifs ?
Au-delà du packaging marketing à simple visée commerciale, un flacon d’huile essentielle doit répondre à certains critères :
- tout d’abord, une huile essentielle doit uniquement être conditionnée dans des flacons
opaques, bruns ou bleus (pour une meilleure réfraction à la lumière) ou en verre
composite U.V.I.R, et ce, de manière parfaitement hermétique.
Exit tout verre blanc. - puis, certaines informations doivent obligatoirement y être présentes : le nom, le nom
latin, la famille botanique, le chémotype, la méthode d’extraction, la partie de la
plante utilisée…
Pour plus de clarté, voici la « carte d’identité type » d’une huile essentielle.
Le territoire corse nous offrant une très grande richesse de plantes dont l’usage thérapeutique n’est plus à démontrer, c’est aux côtés de l’Eucalyptus Globulus ou du Romarin Officinal à Verbénone que nous avons choisi de présenter la plus emblématique de toutes : l’Immortelle encore appelée l’Hélichryse Italienne.
- Nom : IMMORTELLE
- Nom latin : Helicrysum italicum G. Don (ssp italicum ou ssp microphyllum)
- Famille botanique : Astéracées
- Mode de culture : Huile essentielle issue de l’agriculture biologique
- Chémotype : Acétate de néryle, Italidiones I, II et III (Principales molécules chimiques qui confèrent à l’huile essentielle ses propriétés distinctes.)
- Origine géographique : Corse (France)
- Organe producteur : Sommités fleuries
- Méthode d’extraction : Distillation à la vapeur d’eau
- Qualité : 100% naturelles (non dénaturées) / 100% pures (sans dilution) / 100% intégrales (non modifiées) Cela signifie que chaque HE contient tous les composants aromatiques de la plante sans adjuvant de molécules d’hémisynthèse, d’émulsifiants chimiques ou d’autres huiles essentielles.
- Date de péremption : 12-2034
- Lot : 000000 Ce numéro, propre à la nomenclature de chaque laboratoire, garantit la composition biochimique par analyse chromatographique.
Une huile essentielle est un extrait végétal concentré
Même si la qualité d’une huile essentielle dépend rigoureusement du travail de contrôle des laboratoires en amont, il est utile pour le consommateur final, de comprendre le processus qualité pour pouvoir décrypter aisément les étiquettes du produit que nous tenons entre les mains. Plusieurs paramètres rentrent en ligne de compte : le biotope, le mode de culture, le chémotype, la méthode d’extraction….
Le biotope
Où sont cueillies les plantes destinées à la future production des huiles essentielles ? Le biotope constitue l’environnement naturel où pousse la plante. Il s’agit donc ici d’analyser la nature et les propriétés du sol, le taux d’humidité et d’ensoleillement, la température et les interactions entre la flore et la faune environnante.
Au moment du choix, assurez-vous toujours du biotope originel de votre huile essentielle. Par exemple, il est préférable que votre Tea Tree provienne d’Australie et non de Chine !
Une même plante recueillie à deux endroits différents du globe présentera des propriétés moléculaires totalement différentes qui pourront soit altérer la qualité de la future huile essentielle, soit modifier ses indications thérapeutiques.
À titre d’exemple, observons le Romarin officinal dont il existe trois espèces :
- Romarin officinal à camphre CT Camphre que l’on retrouve en Espagne et en Provence pour son action sur le muscle cardiaque,
- Romarin officinal CT 1,8 Cinéole, propre à la Tunisie et au Maroc utilisé dans les pathologies broncho-pulmonaires,
- Romarin officinal CT Verbénone que l’on rencontre en Corse à visée hépatique 4.
Le mode de culture
Il faut se renseigner sur le mode de culture et de ramassage des plantes.
Premièrement, s’agit-il d’une culture Bio ou conventionnelle qui implique une intervention humaine ou s’agit-il de plantes sauvages, à privilégier tant que se peut ? En effet, ces dernières profitent pleinement de la symbiose de leur biotope environnant et sont moins altérées par les produits agricoles (engrais, pesticides…).
Deuxièmement, la plante est-elle récoltée à la main (ce qui peut expliquer le coût plus onéreux de certaines huiles) ou à l’aide d’un processus mécanique qui, lui, peut induire un stress à la plante ?
Autant d’interrogations auxquelles un laboratoire sérieux n’aura pas de mal à vous répondre…
Le chémotype
Il faut prendre connaissance du chémotype de l’huile essentielle, c’est-à-dire connaître les molécules actives de cette dernière afin d’éviter tout effet secondaire plus ou moins grave ou tout échec thérapeutique. Il doit apparaître clairement sur le flacon d’huile essentielle.
L’abréviation CT est souvent utilisée pour lister la ou les molécules principales. Si cette information est omise, passez votre chemin !
Par ailleurs, le chémotype dépend à la fois du biotope, de l’espèce et de l’organe de la plante utilisé. En effet, il diverge suivant que l’on utilise les feuilles, les racines, les sommités fleuries, le bois ou l’intégralité de la plante car chaque composante induit une concentration plus ou moins importante des principes actifs. Le chémotype est aussi fonction de la période de récolte : le thym sauvage se cueille en plein après-midi, la sauge sclarée se ramasse après la floraison alors que la lavande est à son apogée en fleurs. En définitive, selon Deschepper, « toutes les étapes de traitement allant de la récolte de la matière première végétale au stockage de l’huile essentielle peuvent également induire des variations dans la concentration des composés ou même l’apparition de nouvelles molécules. » (« Variabilité de la composition des huiles essentielles et intérêt de la notion de chémotype en aromathérapie », Faculté de Pharmacie de Marseille, 2017).
La méthode d’extraction
La fragilité de certaines plantes et les coûts d’obtention de certaines huiles essentielles rendent les procédés d’extraction extrêmement complexes d’une espèce à l’autre. Avec pour objectif de rechercher in fine la meilleure qualité possible en tenant compte des contraintes liées au rendement, au temps passé et au matériel utilisé, plusieurs procédés se sont développés au fil des années :
- le pressage à froid principalement destiné aux écorces d’agrumes,
- la distillation à la vapeur d’eau, la plus largement utilisée,
- l’extraction au CO2 supercritique, la plus onéreuse,
- l’enfleurage pour l’obtention de pommades à base de fleurs destinées à l’industrie cosmétique,
- les macérations pour l’obtention d’huiles florales,
- le procédé par épuisement à éviter absolument.
Retenez simplement que la distillation qui consiste, sommairement, à faire chauffer à une température douce, sous basse pression et pendant un laps de temps suffisant, le végétal dans une cuve remplie d’eau de source de préférence, permettra d’extraire de la vapeur d’eau ainsi produite, des molécules aromatiques. Après décantation, la partie hydrophile récupérée (peu de molécules aromatiques) produira les hydrolats et la partie hydrophobe, « plus huileuse », donnera les huiles essentielles.
Pour produire un litre d’huile essentielle de :
Rose de Damas : environ 4000 kg de pétales soit 1 hectare de rosiers
Lavande vraie : 150 kg de fleurs
Pour les curieux
En définitive, ce qu’il faut retenir :
Pour vous garantir une huile essentielle de qualité :
- choisissez les petits producteurs qui privilégient la cueillette à la main,
- n’hésitez pas à visiter les distilleries lorsque cela vous est possible,
- évitez les laboratoires qui ont recours à des procédés de distillation rapide ou ont
recours à l’ajout d’acétone ou d’alcool pour recueillir les principes actifs, - informez-vous bien sur le chémotype pour éviter toute dangerosité.
(1) – P. Franchomme, R. Jollois, D. Pénoël, « L’aromathérapie exactement », p.73, Editions Roger Jollois, 2001